A part la barbe fleurie de mon grand père et celle de Victor Hugo qui paraissaient exprimer la douceur et la bienveillance des êtres qui savaient cultiver l’art d’être grand-pères, je n’ai jamais apprécié les barbes noires bouffant le visage et dont on n’est jamais sûr de la propreté. Bien sûr, Che Guevara en avait une, Alfred de Musset aussi, mais les idoles ont toujours une auréole particulière. Cela ne m’empêche pas de penser que chacun est libre de disposer de son corps et de sa personne comme il l’entend, tant qu’il n’empiète pas sur les droits de l’autre. D’ ailleurs, tous les goûts sont dans la nature, certaines femmes affirment trouver beaucoup de charme aux barbus, pourquoi pas?
Cependant, il existe chez nous une catégorie de barbus sans barbe qu’il convient de dénoncer sans délai, car ils sont dangereux pour les femmes. Pour moi, ce sont des individus irresponsables, inconscients, opposés à l’évolution de la femme, à la liberté et à la démocratie; mais d’une manière indirecte non révélée, et fallacieuse. A mon avis, quoique diamétralement opposés, leur comportement rejoint le but des fanatiques religieux; chasser femmes et familles des rues, les cloîtrer.
Je m’explique:
Depuis quelque temps, nous assistons aux ouvertures des cafés pour hommes seulement, où l’on sert la chicha aux «machos» installés sur des banquettes, en position couchée, avec des jambes écartées en V, et la tête reposant sur la main. Femmes et jeunes filles détalent et changent de trottoir. Certains cafés ouvrent avant 7 heures du matin, occupés par de jeunes hommes en chômage de luxe, puisqu’ils ne veulent pas travailler coûte que coûte; ils passent leur temps à attendre la bonne occasion, pendant que leurs sœurs travaillent n’importe où pour leur refiler le prix du paquet de cigarettes. Ils passent plus de temps au café qu’à la maison, car selon leur mentalité, le café c’est viril, et la maison est l’espace des femmes, donc dégradant. Ils ne savent que faire de leurs mains, car les quelques années passées à l’école les ont handicapés à jamais. Ils se sentent intellos et ils ne sont même pas manuels. Ils envahissent les trottoirs, troublant le passage des personnes actives, en particulier les femmes.
Une réglementation stricte de la gestion des cafés est urgente, d’abord les heures d’ouverture, l’utilisation de la voie publique, la propreté des locaux, l’embellissement de l’environnement. Actuellement, ces cafés qui poussent comme des champignons sont vraiment déprimants. Ils favorisent par leur aspect, l’exclusion de la femme. Non seulement, ils détournent les hommes du travail mais aussi les écartent de leur famille et de leurs enfants. Ils sont une manne pour leurs gérants.
Les salles de jeux, introduites chez nous depuis quelques années, sont encombrées de jeunes, mais seulement de sexe masculin; l’autorisation de gérer ces locaux ne me semble pas obéir à des normes bien étudiées; j’ai l’impression qu’aucune réserve n’est imposée, ce qui fait qu’une famille vivant paisiblement dans son quartier pourra se voir imposer dans le garage d’un voisin d’à côté une salle de jeux, qui drainera à tout moment des jeunes hommes désœuvrés, souvent sans aucune éducation. Angoissés pour leurs enfants, les parents sont condamnés à supporter car la maison est leur propriété, ils ne peuvent aller s’installer ailleurs.
Il y a la liberté du commerce, mais aussi celle du citoyen. Ainsi· une réglementation s’impose. Il ne s’agit pas de fermer les salles de jeux mais de les soumettre à un aménagement socio-culturel adéquat. En attendant, femmes et enfants changent de trottoir, fuyant la violence, le groupe – ces espaces sont exclusivement pour hommes, comme les vespasiennes. A propos, quand est-ce qu’on réalisera que femmes et enfants peuvent avoir des besoins, en ville. Que c’est très gênant de faire du porte-à-porte, les boutiques, ou entrer dans un café d’hommes pour hommes. Comme on l’a fait pour les taxiphones (idée géniale) on devrait pourvoir la Capitale au moins de cabines toilettes.
Les personnes, travaillant toute la semaine, ont le samedi après-midi, pour sortir avec leurs enfants, faire du shopping. Or, actuellement et de plus en plus, les parents ne peuvent plus emmener leurs enfants, dans les grandes surfaces en particulier, car un désolant spectacle d’achats d’alcools est présenté à leurs yeux, et l’on se demande si on n’est pas entré dans un bar des bas-fonds du pays. Des centaines de personnes assoiffées, sacs, couffins à la main, s’arrachent vin et bière, des voitures, des camions, des traks même sont arrêtés devant ces grands magasins où s’approvisionnent jusqu’à satiété les conducteurs de ces engins. Il est normal qu’un chef de famille craignant pour ses enfants et sa femme préfère les laisser à l’intérieur des citadelles pour leur épargner ces visions lamentables. Et encore une! pour la liberté de circulation des femmes.
Enfin, des espaces conçus pour les loisirs des familles, au Nord de Tunis, dont les membres s’attablaient en toute sérénité, laissant leurs gamins jouer près des toboggans, ont, paraît-il, été transformés en foyers de Bacchus. La vue de tables sur lesquelles gisent dix, vingt bouteilles de bière vides a chassé les familles. Couchés! A la niche!! Ces lieux sont réservés aux hommes et aux ivrognes! Tant pis, si on profère des obscénités, tant pis si sous l’effet de l’alcool on provoque les bagarres. La place des femmes est à la maison.
Dans la rue même, des affiches cinématographiques très libérales, très osées sont exposées à la vue de tous. Il est très gênant de passer à côté avec ses enfants. Il ne faut pas oublier que nous sommes un pays arabo-musulman, et il n’est pas évident que tous les citoyens soient contents de ces étalages qui portent atteinte à la pudeur. Je ne suis pas bigote, mais tout a une limite.
En tous cas, et à mon sens, Tunis doit garder ses rues propres, pour que femmes et enfants puissent librement y circuler. Les jeunes doivent pouvoir s’amuser, se défouler et s’aimer librement dans des espaces sains et délimités. C’est également leur intérêt.
Les barbiers barbus cherchent par tous les moyens à chasser les femmes et les familles des rues. Le Code du Statut Personnel n’y pourra rien si on les laisse agir. Pour moi, ils n’ont rien à envier aux intégristes religieux.