Je dédie cet article à Khaled Yaâlaoui, vingt ans, à tous les Jeunes et les moins jeunes qui ne verront pas ce printemps, ni les printemps suivants, et à leurs parents qui voient, par leur disparition, s’arrêter le temps, pour longtemps.
Des discussions macabres fusent autour de nous, certains se demandent si les auteurs et les complices des crimes perpétrés au sein des locaux du RCD seront condamnes à mort ou à perpétuité. D’ autres se posent des questions sur la finalité de la peine de mort: un châtiment? une vengeance? une dissuasion? une solution? Pendant ce temps, des criminels en liberté continuent à vivre leur train-train quotidien, peinards. Nul ne s’occupe d’eux. Ils ne suscitent ni contestation collective, ni vindicte populaire. Ils circulent sans être inquiétés outre-mesure, anonymes, la conscience tranquille, foulant la terre qu’ils arrosent du sang d’ innocents , dédaignant la douleur de familles qu’ils immolent sans merci sur le seuil de leur ignorance coupable, de leur irresponsabilité animale.
Quel phénomène protège ces sinistres individus? Comment se fait-il que des associations ne se constituent pas pour lutter contre ces criminels? Pourquoi des marches populaires ne sont-elles pas organisées pour leur barrer le chemin? Pourquoi la plume des intellectuels ne leur livre-t-elle pas bataille? Je crois qu’il y a trois raisons au moins. D’abord parce qu’ils ne s’attaquent ni au régime au pouvoir ni à l’opposition. Ensuite ils sont couverts par la notion absurde de fatalité, qui fait plier l’échine à toutes les révoltes. Enfin ils sont convaincus que les Assurances qu’ils paient sont là pour effacer les larmes et leurs méfaits.
Il s’agit, vous l’ avez compris, des criminels de la, voie publique, les monstres des routes qui endeuillent quotidiennement plus de cent familles en Tunisie. Ils tombent comme la foudre sur des existences, fauchent la vie, arrêtent l’espoir, condamnent des personnes à passer tout le restant de leur vie paralytiques et chômeurs… Ils les jettent dans la plus profonde désolation. Le malheur s’abat souvent sur elles sans qu’elles aient la moindre responsabilité, parce qu’un chauffard roule à tombeau ouvert ou conduit en état d’ivresse, ou parce qu’il ne reconnaît aucune règle du Code de la route.
Sporadiquement, on assiste à des campagnes de sécurité routière . Il est vrai qu’un effort est fait par le Gouvernement en ce sens, en période de fêtes. Quelques journaux signalent que nous détenons la seconde place dans le monde, après les USA, en matière de mortalité sur la voie publique, mais les efforts déployés ne sont pas suffisants.
Tu ne tueras point, telle est la règle de morale universelle, telle est la recommandation céleste . Est-ce que le fait de tuer une personne quand on est au volant d’un bolide, d’un engin ou d’un poids lourd — en commettant des fautes tellement graves que l’homicide pourrait être qualifié de volontaire – diffère d’un crime perpétré à l’aide d’une arme à feu, d’une arme blanche ou autre? Je post cette question aux théologiens qui pourraient nous éclairer sur cette question cruciale au lieu de délirer sur des questions stériles du genre: qui doit être à la tête de l’Etat, un barbu ou un imberbe? Surtout que la réponse est simple: l’Etat a besoin d’une tête bien faite.
La Société civile a répondu à ce grave fléau. Ainsi dans certains Etats des USA, la conduite d’un véhicule par une personne dépourvue de permis de conduire, ou en état d’ivresse, ou roulant à une vitesse prohibée, est assimilée au meurtre avec préméditation, quand cette situation a provoqué un accident ayant entrainé mort d’homme. En Tunisie, seule la fuite après l’accident est qualifiée de crime. Certes, la sanction est dissuasive, pour tant elle n’est jamais un remède.
En fait, il faut s’attaquer aux racines du mal comme pour toute chose:
- une étude très sérieuse devrait aboutir à un classement des auteurs d’accidents selon leurs catégories socio-professionnelles, leur âge, leur niveau d’instruction (les conducteurs de 404 bâchées sont à 80% analphabètes), leur genre de travail (diurne ou nocturne), leur santé…
- une commission d’enquête devrait réfléchir sur l’octroi des permis de conduire. Toute complaisance devrait être sanctionnée. On pourrait le délivrer en trois fois, une période d’essai de deux ans, une autre période de cinq ans, et un permis définitif en cas de «bonne» conduite de l’intéressé;
- au niveau de l’auto-école, une réglementation plus rigoureuse devrait être observée;
- le parc automobile est à reconsidérer, ainsi que l’état des routes, la signalisation, l’éclairage public…
- il faut veiller à l’ éducation des piétons et des enfants.
Cela fait beaucoup, n’est-ce pas? Est-ce une raison pour baisser les bras? Si toutes les personnes meurtries s’unissaient? Souvent de la douleur naissent les plus grandes choses… Il est évident que l’accident peut être le fait de la victime, ou celui de « la force majeure», mais ce sont les cas les plus rares.
Pour conclure, savez-vous qu’il est préférable de subir un accident quand on est en compagnie de son amant ou de sa maîtresse plutôt qu’avec son conjoint ? C’est le comble, mais c’est la vérité ! Et si vous allez en ballade, n’emmenez ni vos ascendants ni vos descendants; ils ne seront pas assurés en cas d’accident. Demandez à votre assureur !