Il était une fois dans un temps très lointain et sur une terre très lointaine, une jeune fille très belle! Elle était si belle que son voisin pourtant bien plus riche qu’elle était pratiquement fou d’elle.
Elle était si jolie avec ses yeux aussi bleus que la Méditerranée, et ses cheveux aussi noirs que les olives du Sahel, et sa peau aussi dorée que le sable du désert et sa taille élancée toujours ceinte d’un cordon vert comme le s feuilles des orangers, son odeur aussi enivrante que les jasmins blancs des nuits d’été.
Sa beauté physique était rehaussée par ses origines, elle était de vieille souche et ses ancêtres avaient connu la gloire et les sirènes pourraient vous conter, dans un très long soupir son histoire.
Hélas, elle était devenue pauvre depuis que certains des siens avaient dilapidé ses biens sans scrupules et l’avaient même souillée de mille et une manières, qu’elle ne pouvait plus, croyait-elle, à nul plaire.
Et pourtant le voisin, aussi coriace que vorace avait décidé qu’elle serait sienne, et quelle que soit sa petite vertu il ne lâcherait pas sa proie.
La jeune fille qui n’était plus une colombe, se méfiait de ce prétendant trop empressé et trop arrogant mais, la faim la guettant, elle se dit qu’elle ne pouvait plus faire la fine bouche et qu’elle ferait mieux de rejoindre sa couche si elle ne voulait pas passer à trépas.
Elle lui fit donc dire qu’il pouvait à elle prétendre et que sa main il pouvait prendre, mais qu’il faudrait passer par ses hommes, que la tradition et les usages le lui commandent.
Elle n’avait nul besoin de lui cacher sa condition, orpheline elle l’était, endettée il le savait, mais ne fut-ce que par dignité, elle n’avait pas sa dot fixé. Peut-être que chacun devait y trouver son compte, elle lui offrait son rang et lui son argent.
Mais , le voisin illuminé avait méprisé la BELLE et il pensait qu’il lui suffisait de l’épouser pour qu’elle redevienne pucelle.
Il avait commencé par injurier les siens, les traitant d’émasculés et leur promettait qu’une fois ses noces consommées, il les réhabiliterait !
Il reprocha à la BELLE son athéisme, son bilinguisme, son biculturalisme, enfin jusqu’aux fautes par ses ancêtres commises. Il lui destinait le purgatoire pour lui faire expier tant d’années d’hérésie, lui promit la félicité si enfin à lui elle se donnait.
La BELLE trembla… trembla très fort, surtout parce qu’elle craignait de n’avoir aucun autre choix. Elle considéra longuement les siens et hurla : « Député, as-tu du cœur?
tout autre que toi se serait levé sur l’heure!
ne fut-ce que pour protester pour son honneur»
Aucun écho ! Hélas la BELLE pleura sur son sort! C’était la première fois qu’elle était ainsi traitée! Et sa conception lointaine de la souveraineté ne pouvait supporter d’avoir été ridiculisée!
Elle réfléchit longtemps à sa condition, tant et tant, qu’elle souhaitât qu’on installât une potence devant laquelle seraient alignés tous ceux qui ont contribué à sa décadence, elle avait dû renoncer, il n’y aurait jamais eu suffisamment de corde!
Elle songea alors à faire bon cœur contre mauvaise fortune, au fond l’alliance ne lui déplaisait pas, seul le postulant l’effrayait. Elle pensait même que ses noces l’avantageraient et plus puissante elle en serai t.
Cependant, elle n’arrivait pas à chasser de son esprit le corollaire : l’amour et la haine. Et si, après l’amour venait la haine, c’est souvent le lot des passions. Les offrandes seraient-elles tachées par le sang.
Peu m’importe son or, se dit elle, s’il doit piétiner mon corps, peu m’importe son or, si ma tête et mes jambes ne sont pas d’a ccord ! Peu me chaut son argent s’il doit faire couler mon propre sang.
Il injurie mes amis sur ma terre et ne me dit pas qui sont les siens ! Sans doute des cavaliers de la nuit enrobés dans les linceuls verts enfourchant des nuages aussi menaçants que les orages d’automne !
La BELLE égarée ne savait plus à quel Saint se vouer; elle s’agenouilla et fit une prière :
- “Mon Dieu, vous qui me permettez de choisir mes amis, protégez-moi des bonnes intentions de certains de mes frères”.
- Mon Dieu soufflez dans le coeur des miens la foi et montrez leur les voies du labeur et du sérieux, ce sont les seules qui mènent vers vous”.
La jeune fille décidé de réunir les sages de toutes les tribus et d’écouter leurs avis. Les sages ont estimé le fardeau très lourd et préférèrent s’en référer au peuple par un référendum.
Le plus ancien proposait qu’on écoute attentivement les deux peuples. Si les Hommes sont mortels, les nations demeurent -même les plus petites- ont droit à l’existence autonome, à la liberté et à la paix.
Hélas, le parchemin rapportant ce récit est déchiré, on ne connaîtra pas la fin de ce conte : Qu’est devenue la BELLE ? Qu’est devenue la BETE ? La légende rapporte que les Hommes de la BELLE qui sont légion promirent le mariage à leurs conditions : la BETE devait se dépouiller de ses airs de conquérant; elle devait policer son langage, elle devait respecter les racines de la BELLE et ses ancêtres; elle ne devait plus injurier les amis de la BELLE, et surtout, surtout elle devait se convaincre que la BELLE était libre et devait le demeurer.