Tous les journaux de la place parlent de Démocratie. Des slogans géants inscrits sur des banderoles pendent sur nos têtes, se balancent entre les arbres, nous rappelant cette valeur politique à laquelle aspirent tous les peuples opprimés.
A l’ère de la Démocratie, en Tunisie, alors que nous attendons de nos enfants leur épanouissement, dans un système de démocratie et dans une ambiance de Libertés et de Droits de l’Homme, alors que les médias les confrontent à une jeunesse occidentale poussée vers la créativité, l’initiative personnelle et libre, vers les découvertes en mer, sur terre et dans les montagnes et bientôt dans l’espace, notre jeunesse tunisienne, surtout à l’intérieur du pays, et en phase d’adolescence tardive (18 ans), s’accroche encore aux jupes de la mère, cherchant à neutraliser la peur du père. Cette attitude est très confortable pour l’orgueil, la mégalomanie et l’auto-satisfaction du géniteur; plus on est craint et moins on a de contestations. C’est souvent hélas l’attitude du chef, dans les familles arabes – C’est, je crois, pourquoi l’on assiste depuis la nuit des temps aux parricides, aux régicides. Un poignard entre les deux omoplates dans un lieu de culte, alors que le chef s’abandonne à la prosternation, face au Tout Puissant, est horriblement choquant, et pourtant tous nos professeurs d’histoire offrent les récits riches en détails à tous les enfants de toutes les générations, et s’offrent la bêtise de les répéter immanquablement, comme pour faire de l’esprit ou montrer leur savoir de colonisé. C’est pour cela «qu’on dit des Arabes qu’ils sont belliqueux».
D’où nous vient cette mentalité castratrice de la jeunesse qui grandit en empruntant souvent deux chemins, fatalement, celui des meneurs, celui des menés; celui des dictateurs et celui des soumis, qui de plus sont très recommandés pour faire reluire les souliers.
Peut-être trouverons-nous la source dans le Code Pénal dont la date de promulgation remonte au 9 juillet 1913 dans la section VI, du 3ème livre, et dans le chapitre: «Des contraventions», l’article 319 relatif aux infractions se rapportant aux personnes mentionne explicitement dans l’alinéa 2: «Toutefois, la correction infligée à un enfant par les personnes ayant autorité sur lui n’est pas punissable», alors que l’article 317 alinéa 4 promet la prison et l’amende pour ceux qui exercent de mauvais traitements sur les animaux.
L’article 224 C.P. punit de cinq ans les mauvais traitements infligés à un enfant et s’empresse de préciser que les mauvais traitements: «C’est la privation habituelle d’aliments et de soins».
L’article 218 C.P., comme pour mieux rendre totalement infirme et débile la jeunesse, affirme: «Si le coupable de violences est un descendant de la victime, la peine est de cinq ans d’emprisonnement».
D’où on peut conclure qu’au-delà du respect moral et naturel des enfants vis-à-vis de leurs parents, que le Coran recommande, les lois positives ficèlent toute possibilité d’expression même verbale, et conduisent ainsi directement la jeunesse à la frustration, à la haine sournoise, à la prison, pour transfert d’agressivité sur les tiers, les biens publics et, hélas, même contre le bon Dieu, en paroles et injures. Ou alors certains jeunes échouent dans un asile psychiatrique, dans le milieu de la drogue et de l’alcool, en fait soit pour oublier qu’ils sont des lavettes, soit pour éprouver la sensation que ce sont des adultes, libres, qu’ils ont de la personnalité durant la phase d’ébriété. De toutes façons tout est gâchis.
Loin de moi l’idée de contrevenir à la recommandation divine inscrite clairement dans notre livre sacré: «Ne leur dites pas, ouf et traitez-les (les parents) avec bienveillance». La sourate du Coran continue «comme ils vous ont traité enfant». A mon avis, c’est là toute la philosophie et la psychologie de l’enfant soufflée par Dieu il y a quinze siècles aux Musulmans.
Mais la réalité dans notre société est plutôt amère: les enfants fouettés par leurs parents; les enfants marqués au fer rouge par un des ascendants; les enfants baillonnés et ficelés pour un ou deux jours; les enfants condamnés à vivre tout une nuit ligotés autour d’un arbre. Tout cela existe, et c’est révoltant, Malheureusement ces délits, ces crimes n’arrivent ni aux juges, ni aux médecins. Ils sont vécus au noir car les parents savent qu’ils ne sont pas punissables, parce que les voisins pensent qu’il est malsain de se mêler d’affaires de famille, de s’interpose entre les enfants et les parents.
Mon opinion est que Messieurs-Dames les députés devraient réfléchir à réviser cet article 319. 1. -Il serait plus intelligent et plus juste de déterminer le sens exact et la limite de la correction infligée aux enfants par les parents? 2- Par ailleurs, citer exactement qui sont les personnes ayant autorité sur lui ? Les tuteurs, les maîtres, les professeurs, le directeur d’un centre de rééducation… ? ou tous? 3- L’appréciation des motifs de la correction! 4- Le préjudice corporel? 5- Est-il vraiment besoin de battre sur la tête un enfant qui n’a pas fait ses exercices, etc… 6- Enfin pénaliser toute personne qui commettrait le délit de commission par omission, c’est-à-dire qui omet de signaler au juge les tortures d’un enfant, d’une façon anonyme au moins. 7- Et surtout d’enrayer la mentalité qu’on reste toujours mineur face à ses ascendants.
En fait la Démocratie est prévue pour les gens libres, ceux qui n’ont jamais subi l’humiliation à partir du berceau, ceux qui sont habitués à la contestation et au dialogue avec leurs parents et leurs professeurs.
Comment voulez-vous qu’un homme tunisien se retienne de battre sa femme ou ses enfants quand il a été à l’école de la soumission aveugle, des corrections injustifiées, des corrections incontestées. Il prend la relève! voilà tout!-Comment veut-on qu’il apprenne à discuter, à réfléchir, à faire des discours spontanément, à manier le verbe et les hommes, à ne pas installer son pouvoir sur la terreur…?
Peut-être qu’on devrait accorder nos violons avant de parler Droits de l’Homme, Démocratie, Droits de l’enfant, Droits de la femme.