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Emna Dakhlaoui

Qui ne dit mot consent

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Que veut le peuple ?

Posted on 24 April 202123 May 2021 by admin6303

On se demande  pourquoi, dès  que  vous demandez  à  quel­qu’un, le plus  innocemment  du monde, comment il va, il vous répond:

– «Oh! jè ne suis pas bien portant! j’ai la rate qui se dilate et le foie bien trop gras ; j’ai l’abdomen  qui  se démène, les genoux bien trop mous. J’ai la hanche qui se déhanche, et le cœur qui flageole ; j’ai le sang qui rissole… Vous savez, je ne suis pas bien portant! (vieille rengaine).

On ne comprend pas les rai­sons de cette déprime! Nous ne connaissons pas, Dieu  merci, les angoisses des Irakiens, les horreurs des Palestiniens, l’épouvante  des  Libanais, le cannibalisme des Libériens, la faim des  Ethiopiens…

Alors pourquoi cette profonde amertume, cette  grogne, ce mécontentement permanent et ces dénigrements stériles et sournois?

Je  crois  que cela est dû  à deux facteurs au moins : une certaine forme de paranoïa qui  fait qu’on part de  données fausses pour faire un raisonnement qui peut être juste, et par ailleurs cela tient à la mentalité du Tunisien.

Le  7 novembre  1990, certains disent qu’il  n’y a pas  de changement, pas plus que de démocratie. Je ne suis pas  de cet avis, même si ma rue, longue de 800 mètres, ne possède pas un seul poteau d’éclairage depuis cinq ans malgré toutes les plaintes des habitants, alors que  quinze lampes  éclairent  le  tronçon  de la même rue où s’élève la mai­ son d’un ex-Premier  ministre, sans compter les crevasses dans la chaussée, qu’il vaut mieux traverser en barque  les jour de pluie.  ·

Pourquoi cette  déception du Tunisien? Eh  bien, parce  que le changement,  tel qu’il  le conçoit, n’est que le produit de son  imagination.  Je m’explique : le Tunisien a, semble-t-il cru, que, par la sainte magie du 7 Novembre 87, il allait se trouv­er de l’autre côté de la Méditerranée, rattaché à la CEE , que le pays allait être classé parmi les premières puissances mondiales, qu’il était parti pour une démocratie «à l’américaine», que les gisements de pétrole allaient surgir et que la mental­ité tiers-mondiste allait s’évaporer  par enchantement.

Quand on prend ses rêves pour des réalités, c’est normal que le réveil soit plutôt brutal. Le· Tunisien serait en droit d’être déçu si toutes les condi­tions socio-économiques avai­ent changé ce jour-là et que le Chef de l’Etat ne l’en avait pas fait profiler.

Mais comme  les miracles à la  veille de l’an 2000 n’existent plus, ou tout  au moins  ils ne passent que par une voie qui s’appelle travail-sacrifice, ils ne peuvent en toute honnêteté s’estimer lésés et lui en vou­loir. Disons que c’est trop  tôt.

La seconde raison,  c’est que le Tunisien ne veut pas se dé­faire de la mentalité d’assisté, tout en restant matamore et, le comble, il est convaincu que tout lui est dû: l’enseignement, la santé, le transport,  le pain, les fruits, les prix,  l’électricité, la CNSS… Il  râle,  il grogne, il s’attaque à l’honneur de ses supérieurs comme à celui de ses subalternes, il tempête contre  le pays, les autres… sans payer la contrepartie par le travail et la discipline.

Pourtant, dès qu’il quitte le pays, pas très loin; juste une virée dans le Grand Maghreb, il  réalise sa chance de vivre dans un pays où  il n’y a pas de guerre, où les enfants vivent en sécurité , où il n’y a pas de cris­es aigües ni d’arbitraire.  Dans  un ramdam,  l’opposition  fait des reproches au discours du Chef de l’Etat. Cela me fait penser au proverbe tunisien qui dit : «Si le chameau devait se retourner pour voir sa bosse, il briserait son cou» . En vérité, pour tout changement chez cer­tains chefs de parti de l’opposition, islamistes  inclus, on n’a pas remarqué d’autres faits que l’acquisition de Mercedes ou autres bolides, de cos­tumes neufs et de grands  airs.

Si c’est cela la finalité du multipartisme, le confort per­sonnel du «chef», les photos à la TV ou sur les journaux , l’apparition au Palais de Carthage, sans qu’aucun  programme ne soit présenté au peuple de­puis trois ans, si les partis demeurent sans substance et sans actions, alors on se demande à quoi ils nous servent au juste.

Le  peuple  n’est pas dupe. On essaie de semer la zizanie sous prétexte de l’existence ou de la non- existence de la démocratie, alors  que  nos  soucis  sont existentiels  et  qu’il s  sont  ailleurs. Ils sont à l’origine de notre malaise, de notre déprime.

Ce que veut  le  peuple  est clair : il veut qu’on  le délivre du laisser-aller qui  a envahi le pays sur tous les plans : que ce soit au niveau  des  autoroutes que des chauffards, hier bergers, prennent en sens  inverse; que  ce  soit  au niveau des écoles étatiques où les enseignants s’absentent fréquemment sans motif sérieux,  que ce soit au niveau de l’administration où l’on vous dégoûte d’exister, que ce soit au niveau des abus de pouvoir que des personnes influentes  exercent  sans  titre ; que ce soit au niveau de l’homme de  la rue devenu agressif  et mal éduqué;  que ce soit au niveau de la cherté de la vie que des commerçants entretiennent sans vergogne… Enfin, la liste n’est pas limitative.

C’est peu-être terre à terre, mais la vie est faite du quotidien.

Alors, franchement, la crise du Golfe pour laquelle se sont mobilisés (!?) et unis tous  les partis, est très certainement importante, mais la charité bien ordonnée   commence  par soi-même.

Le peuple veut  vivre en paix , il exige la discipline, l’ordre, la justice   sociale, le pain pour tous,  le  travail   pour tous,  le bien-être  pour tous et la dignité du  Tunisien.

Si le Président de la République  œuvre  pour  nos aspirations, il est notre homme. Franchement, nous ne voulons pas de  quelqu’un  qui  permettrait à qui que ce  soit  de mettre le pays à feu et à sang, de recourir aux incendies , au vitriol, à l’endommagement des biens publics,  aux  explosifs , au nom de la démocratie.

ll n’y a pas de bons droits par l’installation de la terreur. Tout problème peut et doit pouvoir trouver sa solution dans le dialogue. Et jamais la démocratie ne peut être acquise par le terrorisme.

Alors qu’on sache que le peuple tunisien n’est pas aussi niais qu’on le croit. Il a d’ailleurs une mentalité curieuse. Il admet qu’on l’écrase, mais pas qu’on le roule.

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Emna Dakhlaoui

Emna Dakhlaoui est ancienne magistrate et avocate près la Cour de cassation de Tunis. Pendant plusieurs années, elle a contribué en tant que journaliste au sein du journal Réalités. Ce site regroupe une grande partie de ses articles et tribunes.

 

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