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Emna Dakhlaoui

Qui ne dit mot consent

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Tu ne tueras point

Posted on 8 May 2021 by admin6303

Je dédie cet article à  Khaled Yaâlaoui, vingt ans,  à  tous les Jeunes et les moins jeunes qui ne verront pas ce printemps,  ni  les  prin­temps suivants, et à leurs  parents qui  voient, par leur disparition, s’arrêter le temps, pour  longtemps.

Des discussions macabres  fusent  auto­ur de nous, certains se demandent si les auteurs et les complices des crimes per­pétrés au sein des locaux du RCD seront condamnes à  mort ou à perpétuité. D’ autres se  posent des  questions  sur  la finalité de  la peine de mort: un châtiment? une vengeance? une dissuasion? une solution? Pendant ce temps, des criminels en liberté continuent à viv­re leur train-train quotidien, peinards. Nul ne s’occupe d’eux. Ils ne suscitent ni contestation collective, ni vindicte popu­laire. Ils  circulent  sans être inquiétés outre-mesure, anonymes, la conscience tranquille,  foulant  la  terre  qu’ils  arro­sent  du  sang d’ innocents , dédaignant la douleur de familles qu’ils immolent sans merci  sur le seuil de leur  ignorance coupable, de leur irresponsabilité animale.

Quel  phénomène protège ces sinistres individus? Comment se fait-il que des associations ne se constituent pas pour lutter contre ces criminels? Pourquoi des marches populaires ne sont-elles pas organisées pour leur barrer le chemin? Pourquoi la plume des intellectuels ne leur livre-t-elle pas bataille? Je crois qu’il y a trois raisons au moins. D’abord parce qu’ils ne s’attaquent ni au régime au pouvoir ni à l’opposition. Ensuite ils sont couverts par la notion absurde de fatalité, qui fait plier l’échine à toutes les révoltes. Enfin ils sont convaincus que les Assurances qu’ils paient sont là pour effacer les larmes et leurs méfaits.

Il s’agit, vous l’ avez compris, des crim­inels de la, voie publique, les monstres des routes qui endeuillent quotidiennement plus de cent familles en Tunisie. Ils tombent comme la foudre sur des existences, fauchent la vie, arrêtent l’espoir, condamnent des personnes à passer tout le restant de leur vie paralytiques et chômeurs… Ils les jettent dans la plus profonde désolation. Le malheur s’abat souvent sur elles sans qu’elles aient la moindre responsabilité, parce qu’un chauffard roule à tombeau ouvert ou conduit en état d’ivresse, ou parce qu’il ne reconnaît aucune règle du Code de la route.

Sporadiquement, on assiste à des  cam­pagnes de sécurité routière . Il est vrai qu’un effort est fait  par  le Gouverne­ment en ce sens, en période de fêtes. Quelques journaux   signalent   que   nous détenons   la   seconde    place dans le monde,  après  les   USA,  en  matière de mortalité sur la voie publique, mais les efforts  déployés ne  sont  pas suffisants.

Tu ne tueras point, telle est la règle de morale universelle, telle  est  la  recom­mandation céleste . Est-ce que le fait de tuer une personne quand on est au vo­lant d’un bolide, d’un engin ou d’un  poids lourd —  en commettant des fautes tellement graves que l’homicide pourrait être qualifié de volontaire – diffère d’un crime perpétré à l’aide d’une arme à feu, d’une  arme blanche ou autre?  Je post cette  question  aux  théologiens qui  pourraient  nous éclairer sur cette  question cruciale au lieu  de délirer sur des questions stériles du genre: qui doit être à la tête de l’Etat, un barbu ou un imberbe? Surtout que la réponse est simple: l’Etat a besoin d’une tête bien faite.

La Société civile a répondu à ce grave fléau. Ainsi dans certains Etats des USA, la conduite d’un véhicule par une personne dépourvue  de  permis  de  conduire, ou en état d’ivresse, ou roulant à une vi­tesse prohibée, est assimilée au meurtre avec préméditation, quand cette situation a provoqué un accident ayant entrainé mort d’homme. En Tunisie, seule  la fuite après l’accident est qualifiée de crime. Certes, la sanction est dissuasive, pour­ tant elle n’est jamais un remède.

En fait, il faut  s’attaquer  aux racines du mal comme pour toute chose:

  • une étude  très  sérieuse  devrait aboutir à un classement des auteurs d’accidents selon leurs catégories socio-professionnelles, leur âge, leur  niveau  d’instruction (les conducteurs de 404 bâchées sont à 80% analphabètes), leur genre de travail (diurne   ou   nocturne), leur santé…
  • une commission d’enquête devrait réfléchir sur l’octroi des permis de  con­duire. Toute complaisance devrait être sanctionnée.  On pourrait le  délivrer en trois fois, une période d’essai de deux ans, une autre période de cinq ans, et un permis définitif en cas de «bonne» con­duite de   l’intéressé;
  • au niveau de l’auto-école, une réglementation plus rigoureuse devrait être observée;
  • le parc automobile est à reconsidérer, ainsi que l’état des routes, la signalisation, l’éclairage public…­
  • il faut veiller à l’ éducation des pié­tons et des enfants.

Cela  fait  beaucoup, n’est-ce pas? Est-ce une raison pour baisser les bras? Si toutes les personnes meurtries s’unissaient? Souvent de la douleur naissent les plus grandes choses… Il est évident que l’accident peut être le fait de la victime, ou celui de « la force majeure», mais ce sont les cas les plus rares.

Pour conclure, savez-vous qu’il est préférable  de  subir  un  accident  quand on est en compagnie de son amant ou de sa maîtresse plutôt qu’avec son conjoint ? C’est le comble, mais c’est la vérité ! Et si vous allez en ballade, n’emmenez ni vos ascendants ni vos descendants; ils ne seront pas assurés en cas d’accident. Demandez à votre assureur !

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Emna Dakhlaoui

Emna Dakhlaoui est ancienne magistrate et avocate près la Cour de cassation de Tunis. Pendant plusieurs années, elle a contribué en tant que journaliste au sein du journal Réalités. Ce site regroupe une grande partie de ses articles et tribunes.

 

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