Les élections législatives, paraît-il, sont prévues pour le printemps. Le temps des fleurs, des oiseaux qui chantent, des robes légères, des promenades, des sorties en bord de mer, des amours qui éclosent, des journées de soleil tiède, les étudiants ne voient pas encore le spectre des examens, les ménages consomment moins de pétrole, le linge sèche plus vite… Et puis, c’est l’ Aïd, la fête, la baklaoua, la course effrénée vers les amandes, les pistaches, les cacahuètes, c’est la ruée vers les pâtisseries, il faut commander à l’avance, avant même le mois de Ramadan qui est une aubaine pour les fatigués de naissance; les couturières sont saisies pour les petites robes; les commerçants s’activent pour couper… couper… en gros, la même chose que l’année d’avant, une petite rose, un petit biais… et on clame l’exclusivité..
Le pays est en ébullition à feux éteints, les soirées ramadanesques éblouissent la masse. Les bananes sont arrivées! hourra! l’ananas aussi! double hourra! mais le pain aux grains de sésame n’est pas détrôné! triple hourra!
Les enfants scolarisés ont leurs examens à la fin du mois de Ramadan, et puis il y a l’ Aïd, et puis il y a les vacances de printemps! Un trimestre à chanter, danser, et quand arrive le bulletin, au mois d’avril (on se demande pourquoi ), quelle est la valeur d’un bulletin quand l’enfant passe des vacances tranquilles, vous faisant croire qu’il est le roi des a? N’y a-t-il pas un moyen de nous signifier où en sont nos rejetons, avant la première semaine de vacances, ou bien nous demande-t-on de les coincer sur un bureau et dans le doute, devrons-nous dire:
«abstiens-toi de jouer»!
Nos jeunes, en février et mars, seront dans la plupart des familles, que l’on veuille ou non, perturbés par le rythme de vie qui s’impose à nous, les dîners, les visites, la télé, les cafés, le noufi, la bouza… Enfin, tout sera beau dans le meilleur des mondes possibles.
En attendant, certains candidats aux législatives se frottent les mains, ça baigne dans l’huile puisque presque tout le monde est ailleurs par l’esprit; ils rêvent déjà à leurs fauteuils, aux avantages, à leur parution à la TV. On ne pouvait pas souhaiter plus, ni mieux. On ne prend pas la peine de rédiger son programme ni d’enregistrer les désirata des autres. C’est du tout cuit, du ficelé maison, du farci ramadanesque, comme la doulma.
Nous ne sommes plus qu’à quelques semaines des législatives, je cherche à placer ma voix. Qui veut ma voix? C’est gratis! ou presque, car il faut que vous me montriez votre voie! Non, nul ne veut de ma voix, je suis une enquiquineuse publique. C’est connu: «c’est ça! ferme-la, je sais très bien ce qu’il te faut, je connais mieux que toi tes intérêts».
Et puis, je pense: zut! ôte-toi que je m’y mette, je suis majeure et vaccinée, j’ai un programme, j’ai une opinion, j’ai des idées, j’ai de l’expérience, je suis une femme de terrain; pourquoi ne présenterai-je pas ma candidature aux élections législatives?
«Ah! Madame fait la grande gueule? Donnez-moi vos fiches d’impôts, de CNSS! N’auriez-vous pas brûlé un feu rouge en 1945?!
«Mais je n’étais pas encore née»? «Si ce n’est pas vous, c’est votre père»!
«Je n’ai pas de père!» Alors, c’étaient vos frères». «Ils étaient tout petits encore!». «Et puis flûte, rentrez chez vous!» Vous êtes trop normale, ça frise l’anormal».
Je rentre sagement chez moi, j’achète sur ma route “L’Evénement du Jeudi”, “Jeune Afrique”, “Le Monde Diplomatique”, je zappe sur les chaînes diaboliques, je me branche sur “R.M.C.”, “Médi Int”. Je lis le nouveau livre de Maître Ali Bécheur «Les rendez-vous manqués» (super, génial, il me prend par la main et me fait courir en remontant le temps, les années et les rues de ma jeunesse, il me fait rêver, j’éprouve une nostalgie). Et à mon cher pays, bien-aimé, je tounie le dos, et mes pensées ailleurs s’envolent dans les nuages.
En toute sérénité, si je reste optimiste, et si je me sens en sécurité dans mon pays, c’est grâce au Président de la République. Il veille sur la vie de mes enfants, il concrétise les projets, il réalise toute proposition positive et salvatrice pour le pays; il essaie de réduire les injustices socio-économiques ; de visu, j’ai pu constater l’installation de l’électricité et de l’eau, des routes macademisées sur les crêtes des collines retirées, dans les villages berbères oubliés et ignorés pendant trente ans, à Djaout…, Tamazret. .. Combien de Tunisiens connaissent ils ces paysages féeriques à 500 km de la Capitale!. On sent que le pays bouge. Certes, il reste beaucoup à faire dans un pays qui a été immobilisé pendant dix ans, quand les gouvernants étaient figés dans l’attente de la succession à la tête de l’Etat.
Quand j’éteins les lumières chez moi, et que je souhaitè la bonne nuit à mes enfants, je sais que, pas très loin de chez moi, un homme dort d’un seul œil; il est responsable de huit millions d’habitants, il n’est pas responsable de la situation géographique du pays; et il ne le sait que trop – je lui accorde sans hésiter ma voix.
Mais, Messieurs-Dames, les candidats aux législativès, vous êtes adultes, arrêtez de demander le « Père ». C’est tragique, c’est freudien. Sartre disait: «L’homme est responsable de son visage à quarante ans». Présentez-nous le menu. on a faim! Faites-vous connaître; séduisez-nous…
Esprits, êtes-vous là?