Le président Mohamed Boudhiaf est décédé. Quoi de plus naturel, n’est-il pas mortel? Si l’on croit au destin, on dira qu’il est revenu mourir dans sa patrie. Je suis sûre qu’en exil, il devait penser à la mort dans son pays natal, parmi les siens. Quoi de plus logique? Moujahed, son sang a été versé sur le sol où il a combattu pour libérer l’Algérie du colonialisme. Il était revenu pour un autre combat, contre la corruption, l’intolérance, le chaos, le totalitarisme et la faillite. Il est mort à 72 ans, assassiné, il est devenu un martyr, son auréole est à jamais fixée dans les rangs de ses frères et sœurs qui n’ont pas pu voir l’indépendance de l’Algérie.
Un 8 novembre 1987, Bourguiba aurait connu le même sort, le sang aurait coulé, les Tunisiens doivent beaucoup au Président Ben Ali, ô combien on le réalise aujourd’hui! Je n’ai plus aucun doute maintenant, les islamistes intégristes n’auraient épargné personne, la Tunisie se serait transformée en boucherie. Et à l’heure qu’il est, le pays aurait été aux mains de gens qui veulent convaincre par les armes, par le vitriol, par le feu.
Tout autour de moi, lundi 29 juin, les Tunisiens sont pétrifiés. Tous sans aucune exception, ils répètaient, comme pour eux mêmes, que le Président Ben Ali a raison de faire assurer sa sécurité et la nôtre. Ces mêmes personnes qui, parfois la veille, disaient qu’il y a trop de «flics» dans les rues, ont tout d’un coup compris qu’on ne badine pas avec les fanatiques.
- Sous le choc, ces mêmes individus, qui dénonçaient les arrestations des islamistes, qui râlaient contre l’autodissolution de la LTDH, qui parlaient de restriction des libertés, crient qu’il faut éliminer physiquement les islamistes, qu’il faut les anéantir sans concession, sans exception, qu’il faut la réplique par les armes.
- La violence appelle la violence, certes, mais si on est convaincu de la démocratie, si on croit aux valeurs humaines, on ne doit pas se défaire de ses principes, il faut rechercher des solutions urgentes, loin de la violence et de la répression. Prenons au moins du recul.
- J’ai eu à constater de la joie dans les milieux islamistes. Mon Dieu, peut-être que l’assassinat, considéré de leur point de vue, est une garantie pour retenir sa place au Paradis. Ils cherchent l’identité arabo-musulmane; ils sont servis, on reverra les séries d’assassinats, c’était l’époque du”hhanjar”, nous voici à la veille du XX/ème siècle sous la menace du “kalachnikov”.
- Seulement le Maghreb était à l’abri des coups dans le dos, les lions de l’Atlas n’attaquent jamais qu’en faisant face à leur victime . On n’aurait pas cru qu’il existait des Algériens lâches!!
- Mais pour qui sonnera le glas?
- D’abord , pour nous, les Tunisiens convaincus des Droits de l’Homme et de la Démocratie. Nous ne pouvons plus avoir de sympathie ni de soutien pour les isla mistes arrêtés.
C’est la mort dans l’âme et la peur au ventre qu’on verra nos compatriotes jugés par le tribunal militaire. Qui défendrons nous? Les bourreaux de la démocratie, les gens qui ne rêvent que de nous éliminer?
- Et encore pour nous, les supporters de la société civile, qui refusons désormais la présence sur notre territoire des membres d’Amnesty International ou de ceux de la LIDH, ni d’aucune organisation soi-disant humanitaire occidentale. Que pourraient-ils pour nous, le jour du chaos, que Dieu nous en garde, et nous protège? C’est donc ces criminels que soutient l’Occident?
- Et enfin pour nous que sonnera le glas. Que devrons-nous penser si l’Etat suspend les libertés, d’expression entre autres? Que devrons-nous faire si l’armée quitte les casernes?
C’est humain, nous opterons pour notre sécurité et celle de nos enfants, pour la stabilité du pays, pour l’honneur de la Tunisie, car nous considérons que la guerre civile est un déshonneur.
- Pauvre Algérie, je comprends mais je n’excuse pas. Pauvres Algériens, comme ils sont près de l’an 1830!