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Emna Dakhlaoui

Qui ne dit mot consent

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Le chant des sirènes

Posted on 16 May 2021 by admin6303

M. Ahjouri dé­signe  à la  vindicte publique le professeur Mohamed Charfi, du bout de sa plume, comme un indica­teur désigne un truand du bout de son doigt, et le soin est laissé aux autres d’achever le sale boulot. . . Quel   bon apôtre ! Les sentiments que j’é­prouve pour M. Charfi sont un mélange  de respect  qu’un  élève  voue pour l’éternité à son maître· (je n’y peux rien , tradition oblige) et de reconnaissance: aussi paradoxal que cela puisse paraître, il m’ avait collé pour un demi-point :  je l’aurais bouffé cru sur l’heure avec la volupté de mes vingt-cinq ans ! Mais ce demi-point me fut une leçon pour la vie : il fallait apprendre à être prête à l’heure.  J’appris  aussi  que les examens avec leurs an­goisses abominables  sont non seulement une vérifi­cation du savoir, mais sur­tout des épreuves à dépas­ser dans notre vie quoti­dienne.

Ainsi, il  serait  accusé d’être « un collabo » de l’ancien régime. C’est une mode décidément que de traiter les autres de colla­borateurs. Cela sent la délation importée sur un ta­pis persan ! Cela me donne froid au dos.

M . Charfi est  « dénon­cé » comme étant un laïque je cours ouvrir mon dictionnaire  pour  connaître la  définition de ce mot : « Qui n’ appartient pas au clergé ». Ainsi , il est accu­sé de n’être pas un ayatol­lah tunisien ! Il  ne  forme­ra pas en tant que ministre de l’Education nationale des petits   pasdarans, cachetés  en Barbarie, plus fanatisés que les origi­naux.

Voilà donc les chefs d’accusation :  M.  Charfi est l’homme à abattre, la fin   justifie  les  moyens. Il  serait  «  le vassal de l’Occident,  l’ennemi de l’identité arabo­-musulmane», c’est cu­rieux !  Ce langage nous l’avons dé jà entendu dans la bouche d’individus célèbres à profil mental paranoïaque. « Parole… Pa­role… »  dit la chanson. Seulement, ces paroles, cette fois nous ne pouvons pas les laisser passer, elles nous concernent di­rectement, elles nous me­nacent personnellement, nous les laïques, taxés  bien­tôt d’hérétiques, et pro­chainement voués aux bû­chers.

Il fut un temps où innocemment les laïques ont cru que  seule la personne   de Bourguiba était visée (et non pas ce qu’il représen­tait aux yeux des intégristes) et qu’il s’agissait d’une lutte d’une classe opprimée contre l’aveuglement d’un despote. Maintenant que les  mas­ques sont tombés, ils  réalisent le danger qui me­nace nos principes fonda­mentaux de société. lis montrent leur détermina­tion à prêter main-forte à l’Etat pour décoder « leurs chants et­ sirènes ».

Les motions  de soutien à M.  Charfi ne sont que les prémices d’une vaste prise de conscience  de  la majorité silencieuse à se mobiliser pour la  paix  du pays. A propos,  j’ai trouvé dans ma boîte aux lettres un torchon qui veut trans­former  le pays en torches  ! Il est signé « Hezb  Ettahrir  »  et  fort curieusement il défend comme M. Ahjouri l’iden­tité arabo-musulmane ; certes les termes  y sont très virulents  pour  ceux qui ont un comportement non conforme à la Chariâ et au Coran ; il bannit les capitalistes  et  les   laïques, il appelle à l’insurrection contre les  ennemis de Dieu.

Sans  doute,  répondra-t-on que cela n’engage que les « fantômes ».

Mais qu’on se mette à ma place, moi qui suis musulmane convaincue, qui suis arabo-carthagino-maghrébo-africaine, qui suis laïque, d’après la définition du Larousse puisque je n’appartiens à aucun clergé, qui suis agressée par des torchons enflammés, n’ai-je pas raison de craindre pour mes principes et de la défendre ?

J’ignore les différends qui opposent M. Ahjouri à M. Charfi. S’ils sont personnels il ne me semble pas sain qu’on les exploite, dans n’importe quel sens.

Etre laïque, c’est une chose, être hérétique en est une autre: il faut que cela soit clair pour tous. De même qu’être nationaliste arabe doit être compris différemment que d’être intégriste orthodoxe.

Mon Dieu, comme nous n’avons pas besoin de ces problèmes ! Notre crise économique n’est-elle pas suffisante pour nous inquiéter ! Pour nous mobiliser.

Nous voulons du pain, du travail pour tous, de la liberté aussi ! Mais pas de l’anarchie !!

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Emna Dakhlaoui

Emna Dakhlaoui est ancienne magistrate et avocate près la Cour de cassation de Tunis. Pendant plusieurs années, elle a contribué en tant que journaliste au sein du journal Réalités. Ce site regroupe une grande partie de ses articles et tribunes.

 

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