Un jour, je fus contactée par un président de municipalité, dont je tairai le nom, pour ne pas le gêner, tant je sais que les hommes honnêtes et généreux n’ont pas besoin de publicité, surtout quand en plus, ils s’imposent par leur compétence.
Il me demanda si j’accepterais de défendre un pauvre diable, balayeur de son état, que ses parents avaient rendu aux trois quarts dingue (que Dieu pardonne à tous les parents et en particulier à ceux des candidats au baccalauréat et à l’entrée en première année secondaire) en l’obligeant à apprendre par cœur le dictionnaire (texto) à l’âge de quatorze ans.
Le président de la municipalité était assiégé par les gens du village qui croyaient en l’innocence du malheureux. Ils étaient décidés à prendre en charge les frais de justice et d’avocat et une quête, une collecte et des dons qui varièrent d’un dinar à deux douzaines d’œufs, affluèrent de ce village du cœur. La municipalité a suivi l’élan de générosité.
Le pauvre diable était accusé d’avoir crié sur la place publique qu’il tuerait un jour le Sieur X , entre le lever et le coucher du soleil, quand il se prosternerait devant l’éternel dans une quelconque mosquée – son intention lui valut d’être inculpé de tentative de meurtre avec préméditation et écroué par le juge d’instruction qui se crut obligé de faire confiance à un élève d’Hippocrate (sans doute de ceux qui affectionnent la place du fond) qui estima que l’accusé était sain de corps et d’esprit alors qu’il est connu comme le loup blanc à l’hôpital Razi dans lequel il a séjourné douze ans!
Il était déjà en détention depuis un an sans avoir jamais vu la silhouette d’un avocat quand je l’ai rencontré.
Sa tête me plut tout de suite. Il m’inonda de paroles, de citations, d’allégories, et de métaphores, il me récita des poèmes. Il maniait bien la grammaire française, son langage était châtié, il parlait même Anglais et Allemand. C’était le séducteur qui n’avait pas besoin de savoir ce que j’étais venue lui dire – Je crois qu’il ne me voyait même pas.
Quand je lui ai parlé d’acquittement, il ne fut pas ému: un an en prison quand on est innocent, rien ne vous émeut plus.
Je n’ai rien contre les prisons et je n’oserai pas contrarier le président de la LTDH qui ne semble pas leur trouver une grande différence avec Buckingham Palace. Tout est question d’appréciation et de perception – C’est Descartes qui dit à cc sujet: “Je ne crois que ce que je vois, je ne vois que ce que je regarde , et je regarde ce que je veux”.
Après une heure passée à écouter celui que j’ai consacré mon client, je compris que sous son chapeau, il y avait une fleur.
Il comparut devant la 11ème chambre criminelle – le Président Hedi Hajjaji partageait ma conviction – la Cour prononça l’acquittement et la libération sur le champ.
Mon client se mit au garde à vous claqua des talons et clama en directions de la Cour.
“Je vous fais le salut Bourguibien Mr le président”
Oh ! misére ! j’ai cru m’évanouir, et s’il allait être re-épinglé?!!
Mais heureusement, nous sommes en démocratie; d’ailleurs l’humour ne rend-il pas fou?
Depuis, j’adore ce village suspendu à la colline verdoyante qui fait face à la mer, l’immensité de celle-ci est égale l’immensité de la bonté et de la générosité des villageois.
Un jour, j’ai entendu une dame, bourgeoise tunisoise, dire à l’ex Président: “Oh, j’adore Monastir, je prendrai bien la nationalité monastirienne”.
A l’époque, Monastir était une petite bourgade et les propos de la dame étaient aussi sincères qu’une fausse facture. Mais je suis sincère en vous disant que j’ai succombé aux charmes de ces patelins si mal connus du Nord du pays, encore purs, encore simples, encore propres moralement et matériellement. J’y passe mes vacances, et je veux remercier les marchands de légumes qui m’accueillent avec courtoisie et gentillesse, me laissant choisir mes légumes. Le boucher qui ne me refile pas en un tour de passe-passe un os ou une masse de graisse, la laborieuse petite marchande de jasmin, dont le bouquet est touffu et bon marché, je remercie les commerçants et les petites gens pour leur accueil chaleureux et désintéressé – Je suis une quidam heureuse de Ras-el-Jebal, de Raf-Raf , ces villes où le tourisme n’est pas encore arrivé – on y voit même des post-ministres, des ministres en exercice et des ministres probables s’y promener, mêlés au commun des mortels – J’ai même vu un polytechnicien avec une bouteille de gaz sur l’épaule.
Croyez – moi , cela existe!!
Pourtant, pourtant, on dit que des loups ne sont pas loin, ils rôdent autour de ces sites, ils veulent les violer en y faisant entrer les pots de vins, les magouilles.
Rassurez-vous, l’association de protection du site de Raf- Raf veille, son président le Docteur Sarray, assisté de tous les habitants de Raf-Raf, rive gauche, rive droite, et particulièrement de Madame Ingrid, s’activent pour conserver la beauté et la propreté du site, tant morale que matérielle.
Ne manquez pas le prochain numéro, vous saurez à cœur ouvert tout ce que peuvent faire les défenseurs de l’environnement, les écologistes de Raf-Raf de tous bords.